Ces derniers jours, en me baladant sur Linkedin, j’ai assisté au lancement :
- D’un podcast sur la nutrition
- D’une newsletter dédiée aux bonnes pratiques Sales
- D’une marque de vêtements eco-responsable
- D’une chaîne Youtube sur le voyage
Avez-vous remarqué cette même tendance ?
J’ai l’impression que tout le monde essaie de développer un projet dans son coin. Il ne se passe pas un jour sans que je lise l’annonce du “début d’une nouvelle aventure”.
Ayant moi-même lancé plusieurs projets (dont Sauce Writing), c’est un sujet qui me touche.
Je fais partie de ce même mouvement. Alors j’ai eu envie de creuser.
Pourquoi autant de projets émergent d’un coup ? Que cherchons-nous ? À quoi aspirons-nous ?
Pourquoi dépensons-nous de l’énergie sur des projets secondaires, souvent après des journées de travail déjà bien remplies ?
Ce sont des questions auxquelles je réfléchis depuis bien longtemps.
Je suis arrivé à la conclusion que cela va bien au-delà de la possibilité de gagner de l'argent et de pouvoir en vivre.
Les projets sont les nouveaux diplômes de notre économie numérique et mondialisée.
Ceux qui l’ont compris sont démesurément récompensés : ils apprennent sans cesse de nouvelles choses. Construisent leur réseau. Attirent des opportunités. Et inventent leurs propres règles du jeu.
Pour bien comprendre ce phénomène, j’ai étudié ses racines économiques.
J’ai questionné mon parcours et mes propres expériences.
J’ai interrogé d’autres porteurs de projet pour obtenir leur point de vue :
- Alexis Minchella, freelance et créateur du podcast Tribu Indé
- Basile Samel, maker indépendant et auteur
- Yoann Lopez, Directeur Marketing de comet, créateur de Behind the Curtain et de INDb
J’ai pris de la hauteur en approchant la question d’une manière philosophique.
J’ai synthétisé le tout dans cet article.
Bienvenue dans l'Ère des projets.
Mutations profondes & changement de paradigme
La fin d’année 2019 a marqué un changement important dans ma vie : alors que je venais de fêter mes 26 ans, j’ai pris la décision de quitter LiveMentor, l’entreprise dans laquelle j’ai signé mon premier CDI, deux années plus tôt.
J’ai gardé contact avec bon nombre d’amis de mon école de commerce, qui se sont retrouvés à Paris comme moi. Nous sommes entrés sur le marché de l’emploi en même temps et n’avons pas eu de mal à décrocher notre premier job. Une majorité d’entre nous évoluons en startup sur des postes Sales ou Marketing. Les autres sont dans des structures plus traditionnelles. Nous possédons tous des situations confortables : un job dans un bureau, avec un bon salaire qui nous permet de partir en vacances et de vivre à Paris sans trop nous priver.
Mais je remarque qu’un premier cycle vient de s’achever. Sur la dizaine d’amis que je côtoie régulièrement, nous avons tous changé de job au cours des derniers mois.
Certains ont trouvé un job similaire, avec un meilleur salaire et un défi plus excitant. D’autres, comme moi, ont décidé de tenter l’aventure en freelance.
Aucun n’a duré plus de deux ans sur son premier poste.
Épiphénomène ou tendance de fond ? Sommes-nous les symboles d’une génération impatiente qui veut tout, tout de suite ?
Selon une étude de CornerJob, 47 % des 25-35 ans changent d’emploi après une période de 3 à 5 ans dans une entreprise. Seulement 16% des jeunes de cette même génération se voient avec leurs employeurs actuels d’ici 10 ans.
Quand je pense qu’à mon âge, la génération de mes parents s’engageaient pour un job qui allait les occuper pendant 15 ou 20 ans, je me rends compte que la transformation est profonde. Le temps s’est accéléré.
Les carrières ne sont plus linéaires ; elles deviennent de plus en plus imprévisibles. Fragmentées.
Au-delà d’une question de génération, c’est également un changement d’époque. Ce phénomène ne touche pas uniquement ma tranche d’âge, il concerne des personnes de plus en plus âgées.
Et ce n’est que le début. Mes amis et moi en sommes les premiers témoins. Cette anecdote n’est qu’une manifestation des bouleversements que connaît notre économie et, au premier rang, le marché du travail.
Si l’on recule d’un pas, on se rend également compte que notre système éducatif est de moins en moins fonctionnel. Nous assistons à plusieurs phénomènes qui érodent progressivement la valeur des universités et des grandes écoles. Avec en tête, leur symbole et instrument principal : les diplômes qu’elles délivrent.
Le diplôme n’est plus un gage de connaissances.
Si un diplôme a de la valeur, c’est parce qu’il témoigne que l’élève a passé avec succès les différents examens de passage.
Dans un monde où il est difficile d’accéder aux savoirs et où la connaissance est uniquement transmise sur les bancs de ces écoles, les diplômes ont du sens. On fait passer des examens d’entrée pour filtrer les bons élèves, puis un examen de sortie pour s’assurer que les connaissances sont acquises.
Logique.
Mais depuis une vingtaine d’années, les écoles ne possèdent plus le monopole de l’information.
N’importe qui est en mesure de se former seul, sur Internet. La majorité des cours dispensés par les universités les plus prestigieuses au monde sont disponibles gratuitement en ligne. Youtube est une mine d’or.
Les étudiants possèdent toutes les connaissances du monde dans leur poche. Aucune bibliothèque ne peut rivaliser avec un smartphone relié à Internet.
Les diplômes ne s’adaptent plus assez rapidement.
Face à la disparition de leur monopole sur l’Information, les écoles pourraient réinventer leur modèle en se tournant davantage vers l’alternance et le côté pratique de l’enseignement. Elles pourraient introduire leurs étudiants à des mentors de haut niveau, difficilement accessibles.
Mais elles peinent à se transformer et tentent de faire perdurer leur modèle historique, basé sur la transmission théorique et ascendante du savoir.
De nouveaux métiers pour lesquels il n’existe pas de formation traditionnelle apparaissent chaque jour. Cette tendance ne va être que croissante. Selon une étude réalisée par Dell Technologies et le think tank “The Future Today Institute”; 85% des métiers exercés en 2030 n’existent pas aujourd’hui.
Les écoles sont dépassées ; j’y ai assisté moi-même.
À la sortie de mes études, mon premier job était celui de Copywriter pour une startup. Mon école de commerce m’a été utile sur certains aspects. Mais pour les compétences clefs de ce job, je me suis formé tout seul. Aucun de mes profs ne savait ce qu’est le Copywriting.
Le nombre de diplômés explose (et le coût des études en même temps)
La valeur d’un diplôme se juge également sur sa rareté.
Plus l’école fréquentée est reconnue, moins il y a de diplômés, et plus le statut de l’étudiant est élevé. Les sélections à l’entrée sont difficiles et seuls les meilleurs étudiants vont au bout.
Premier problème : les diplômes sont de moins en moins rares. En France, entre 2000 et 2012, le nombre de diplômés titulaires d’un bac + 5 a augmenté de 75 %.
Deuxième problème : la concurrence entre les diplômés n’est plus seulement nationale. Les écoles des pays émergents sont au moins aussi bonnes que les nôtres (si ce n’est meilleures). Elles forment toujours plus de nouveaux diplômés à la recherche des meilleurs jobs. Et les entreprises françaises sont en compétition avec des entreprises basées à New-York, San Francisco, Shenzhen ou Melbourne. Elles se doivent d’attirer les meilleurs talents.
Troisième problème : même si leur valeur éducative et intrinsèque diminue, les diplômes sont toujours attractifs. Ils restent le moyen le plus sûr de décrocher un emploi à la sortie des études.
Tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont réunis :
- L’accès à la connaissance n’est plus une barrière à l’entrée
- Un diplôme qui a de la valeur est un diplôme rare. Or le nombre de diplômés est de plus en plus important (au niveau national et mondial)
- Le diplôme reste un sésame qui donne accès au marché du travail
Pour leur survie et le maintien de l’image de prestige de leur cursus, les écoles n’ont guère d’autres choix que de recréer artificiellement des barrières à l’entrée.
Comment procèdent-elles ? En augmentant les frais de scolarité.
En moins de 10 ans, le prix moyen d’une école de commerce a été multiplié par 1,6. Le prix d’un cursus à HEC Paris est passé de 26 900€ en 2009 à 46 050€ en 2018.
Si les salaires en sortie d’étude suivaient la même évolution, cela ne serait pas un problème. Mais ce n’est pas le cas. Les étudiants s’endettent plus longtemps pour financer leurs études. Et mettent davantage de temps à rembourser leurs emprunts.
Cette évolution est encore plus criante aux États-Unis. Les frais de scolarité flambent, les étudiants s’endettent pour s’éduquer, mais les salaires ne suivent pas.
Quand le coût de l’université publique a augmenté de +200%, les salaires moyens à l’entrée ont à peine bougé en 25 ans. Avec, au sein d’une même classe d’âge, des disparités de salaires qui se creusent entre ceux qui profitent de la nouvelle économie (qui travaillent à Wall Street ou dans la Silicon Valley) et les autres.
"Ce que la technologie et la mondialisation ont fait, c'est de déplacer des millions d'Américains de leurs emplois de classe moyenne pour les envoyer en bas de l'échelle des revenus, dans des occupations moins rémunératrices."
Jobs, Jobs Everywhere, But Most of Them Kind of Suck
Notre système éducatif n’est pas mort. Mais il meurt à petit feu. Les piliers qui le composent se fragilisent chaque année.
De nouveaux critères entrent en jeu dans les choix de carrière
Plus haut, je mentionnais une étude de CornerJob qui explique que près de la moitié des 25-35 ans changent d’emploi après une période de 3 à 5 ans dans une entreprise.
On y apprend également que la raison principale de ce changement n’est pas le salaire ou l’absence d’évolution hiérarchique, mais la recherche d’un meilleur équilibre de vie.
On ne choisit plus uniquement un emploi pour la sécurité et les avantages économiques qu’il apporte. D’autres critères comme la fameuse quête de sens interviennent.
La génération 25-35 ans ne veut pas moins travailler. Elle voit le travail comme une source d’épanouissement personnel ; mais rêve de nouvelles choses.
58% des 18-30 ans valorisent la mobilité et l’entrepreneuriat.
Ils cherchent à conjuguer équilibre de vie, expériences et situation économique favorable. Ils comprennent qu’il n’y a plus beaucoup de sens à rester dans la même entreprise toute leur vie. Que la stabilité qui leur est promise est une illusion.
Notre économie et son marché du travail, sont donc en pleine phase de mutation.
Les diplômes perdent de leur valeur. Notre système éducatif n’est plus apte à relever les défis du XXIème siècle.
Dans le même temps, le nombre de diplômés et les frais de scolarité explosent.
Le diplôme reste un outil de sélection utilisé par les recruteurs, mais pour combien de temps ?
L’économie numérique crée de nouveaux jobs pour lesquels il n’existe pas de formation. La génération 25-35 ans change de jobs 10 fois plus vite que ses parents et rêve à de nouvelles aspirations.
Le terreau est plus fertile que jamais pour l’émergence de l’Ère des projets.
Nous sommes entrés dans l’Ère des projets
Alexis Minchella fait partie des amis dont je parle plus haut. Nous avons fait le même Master, dans la même école, et sommes entrés en même temps sur le marché de l’emploi.
Comme moi, il n’éprouve pas de difficultés à décrocher son premier job. Crème de la Crème, une plateforme qui met en relation des freelances et des entreprises, lui propose de rejoindre leur équipe Marketing, en CDI.
Alexis reste en poste un peu moins d’un an, avant de tenter l’aventure freelance. Quelques mois plus tard, il décide de lancer son podcast “Tribu Indé” pour partir à la rencontre des meilleurs freelances et leur poser toutes ses questions.
Tribu Indé n’est pas son premier projet. Avant la fin de ses études, Alexis avait commencé à écrire et publier ses premiers articles sur son compte Medium.
“Tout le monde fait la même chose aujourd’hui, avec les mêmes écoles et les mêmes stages. L’un des moyens pour se démarquer est d’avoir des projets perso, à côté.
J’ai toujours eu cette envie d’avoir ma patte et mes angles à moi. Même si mes projets ne sont pas “innovants”, ils sont tout de même uniques parce que c’est mon style. Peu de personnes font des projets et encore moins font l’effort de communiquer dessus. Cela m’a donné confiance en moi et m’a rendu crédible. Je suis sorti du lot.
Pour mon premier job, on est venu me chercher parce que j’avais publié de nombreux articles sur Medium. Cela change complètement la relation que l’on a avec un recruteur. Tu montres que tu sais faire des choses, tu as un asset qui l’intéresse.”
Alexis fait partie d’une génération qui voit les projets comme une nouvelle forme d’éducation. Pour lui, le rôle qu’ils jouent est très proche de celui des diplômes : ils permettent de se démarquer, attestent des compétences que l’on possède et confèrent un nouveau statut social.
Avant d’aller plus loin, prenons le temps de définir de quoi on parle.
Au sens où je l’entends dans cet article, un projet possède plusieurs caractéristiques :
- On crée quelque chose à partir de 0
- On assume la responsabilité, non pas du succès du projet, mais de son accomplissement. Si on ne travaille pas dessus, le projet n’avance pas
- On en parle publiquement
- Il y a un sens de défi : on démarre sans posséder toutes les compétences nécessaires à son développement. On part avec l’envie d’apprendre ce qu’on ne sait pas faire
Voici plusieurs exemples :
- Rassembler une communauté de passionnés de lecture
- Créer une chaîne Youtube et publier des vidéos
- Donner des cours en ligne
- Développer une extension pour Google Chrome
- Créer un site e-commerce et vendre ses produits
- Écrire des articles et partager ses idées
“Toute ma vie, j’ai été dans un cadre. Le système scolaire te prend par la main et te dit ce que tu dois faire. Dans un job, on te fournit également un cadre, avec une hiérarchie et un rôle dans lequel tu dois évoluer.
La première fois que j’ai monté un projet, j’ai eu envie de me prouver à moi-même que j’étais capable de créer quelque chose de zéro, peu importe le succès du projet. J’ai eu envie de me mettre dans l’action et d’apprendre à faire les choses par moi-même.” - Alexis Minchella
Tandis que le système scolaire est construit de manière à inciter les élèves à réussir leurs examens de passage, les projets enseignent les soft skills indispensables à la réussite dans notre économie numérique et mondialisée.
"La chose la plus dangereuse que l'on apprend à l'école est d'apprendre à avoir de bonnes notes."
Paul Graham, The Lesson to unlearn
Être capable de partir d’une feuille blanche et rendre une idée concrète. Devenir responsable de soi-même. Prendre l’initiative. Ne pas attendre que les choses viennent à soi.
Les projets ne tolèrent aucune excuse. Ils nous placent face à nous-mêmes : à ce que l’on sait faire et ce qu’il nous reste à apprendre.
On peut garder ses projets pour soi et ne les montrer à personne. Mais lorsque l’on communique publiquement dessus, on débloque un niveau supérieur.
On le confronte au meilleur test qui soit : celui du marché. Celui de l’opinion, parfois cruelle, des autres.
Nos projets nous poussent alors à entrer dans une boucle perpétuelle d’apprentissage. Il est impossible de savoir à l’avance s’il va plaire ou être utile. Tout comme il est impossible de démarrer en étant tout de suite bon. Alors il faut se lancer, tâtonner, faire des erreurs. En communiquant publiquement dessus, on reçoit les feedbacks indispensables pour nous faire progresser.
Les projets enseignent l’humilité. On doit accepter de passer par la case “débutant” avant de devenir confirmé.
On se donne également une chance d’attirer des curieux et de construire une réputation dans notre domaine. À force de persévérance et de temps, nos projets nous permettent d’être vu comme une personnalité importante de notre écosystème.
“Le fait de faire des choses publiquement, même s’il n’y a pas beaucoup de personnes qui te suivent, te pousse à progresser et à toujours chercher à faire mieux. Tu discutes et récupères des retours précieux.
Mon projet de podcast (Tribu Indé) ne joue pas un rôle direct dans ma recherche de clients en freelance. Je ne le vois pas comme un moyen d’acquérir des clients, mais il possède tout de même un impact important. Il me rend visible et crédible. L’écosystème startup et freelance dans lequel j’évolue est relativement petit. Tout le monde se connaît. Le bouche à oreille se fait rapidement et tu peux devenir une référence en quelques mois.” - Alexis Minchella
En développant notre projet en public, on se donne les chances de construire un monopole personnel dans notre domaine. On associe notre nom à notre thématique.
“- J’aimerais me lancer en freelance, qu’est-ce que tu me recommandes de lire / de regarder ? Qui sont les personnalités à suivre ?”
- Jette un oeil à ce que fait Alexis Minchella, son podcast est vraiment bien !”
Voici le genre de discussion que cela déclenche.
Notre projet nous sert de carte de visite. Il parle pour nous-mêmes et atteste de nos compétences. Il renforce notre statut et notre crédibilité.
Il nous ouvre des portes. On se fait interviewer pour en parler. On sollicite notre point de vue. On nous propose des missions en freelance. On nous propose des jobs. Des opportunités inattendues.
Les projets rassurent et créent de la confiance.
Comment un recruteur peut-il tester vos compétences avant de vous embaucher ? Comment un potentiel client peut savoir si vous allez résoudre ses problèmes ?
C’est très difficile.
Avec un projet, on peut dire : “Tenez, voici ce que j’ai réussi à faire. Ce n’est pas parfait, mais j’ai pu développer telles compétences.”
Je ne parle pas uniquement de compétences techniques. C’est plus profond que cela.
“Je n’ai pas peur de prendre des responsabilités. Quand je ne sais pas comment faire, j’apprends. Je n’attends pas que l’on me dise ce que je dois faire. Je ne sais pas si cela va marcher, mais je prends l’initiative d’y aller. Je suis curieux, je ne me repose pas sur ce que je sais. Je fais en sorte que les choses arrivent.”
Voilà ce que cela dit de vous.
Yoann Lopez est le Directeur Marketing de comet, une plateforme qui met en relation des freelances tech avec des entreprises. Pour lui, “le fait de développer des projets est un gros bonus sur un CV, quand je recrute quelqu’un. Ce n’est pas un critère discriminant, mais néanmoins important. Cela montre un signe de curiosité chez le candidat. Il montre qu’il est capable de créer quelque chose de A à Z, sans être un expert. Qu’il n’a pas peur de prendre des initiatives. Cela témoigne de sa débrouillardise et de sa créativité.”
Les projets nous apprennent à apprendre.
Ils nous placent face à des situations jamais vues. Il faut être capable de trouver des solutions, souvent en bricolant. Le plan A ne fonctionne pas ? On passe au plan B. Au plan C, D ou E s’il le faut !
Ils nous poussent à dépasser l’inertie dont on peut être victime.
On se rend alors compte que le meilleur moyen de résoudre les problèmes rencontrés est de s’entourer de personnes qui l’ont déjà fait. On échange avec d’autres porteurs de projet. On découvre leur manière de faire et leur vision du monde. On se partage des références et des bonnes ressources.
Surtout, on découvre que c’est possible. Notre champ de réalité s’étend. On est plus seul dans cette aventure. D’autres la vivent en même temps que nous. Ils nous ouvrent la voie et nous montrent que chaque situation nécessite ses méthodes, qu’il suffit d’assimiler.
Yoann Lopez développe lui-même des projets en parallèle. “En ce moment, j’en ai deux.
Le premier est une newsletter personnelle, qui s’appelle “Behind The Curtain”, dans laquelle je partage des bonnes pratiques sur les nouvelles organisations et méthodes de travail. C’est un sujet qui m’intéresse et le fait d'écrire une newsletter régulière me pousse à me tenir au courant des dernières évolutions. J’apprends énormément de choses.
Le deuxième projet s’appelle INDb. C’est un répertoire de newsletters. J’ai eu envie de créer un endroit pour centraliser toutes les bonnes ressources disponibles.
J’aime lancer des produits no-code. Monter des projets en utilisant que des outils qui ne nécessitent aucune compétence technique nécessite d’être ingénieux ; j’apprends sans cesse de nouvelles manière pour gagner en efficacité.
Grâce à ces projets, je rencontre plein de monde ! Je sais que le réseau que je développe me sera utile quand j’en aurais potentiellement besoin, dans quelques années.”
Les projets nous forcent à nous recréer notre propre éducation : acquérir des compétences utiles, s’inspirer avec les bonnes ressources, s’entourer de pairs et trouver des mentors. C’est un point que j’évoque longuement dans Expédition Créative.
Ils nous poussent également à apprendre des choses au-delà nos compétences coeurs.
Un blogueur ne doit pas simplement savoir écrire. Il doit développer toute une palette de soft et de hard skills :
- Il doit sans cesse générer de nouvelles idées
- Il doit vaincre la procrastination pour être régulier
- Il doit apprendre à articuler ses pensées d’une manière claire et concise
- Il doit créer un site Internet
- Il doit être capable d’attirer du trafic
- Il doit convertir ses visiteurs pour construire sa communauté
- Il doit connaître les fondamentaux de la psychologie
- Il doit concevoir des produits et apprendre à les vendre pour générer des revenus
Faire des projets c’est faire partie d’un club : celui de ceux qui font des choses. Les hommes dans l’arène, comme le disait Roosevelt.
On éprouve du respect pour ceux qui se sont embarqués dans cette même aventure. On s’encourage. On se suit mutuellement sur Twitter. On boit des cafés ensemble. On devient une figure de cet écosystème et notre réseau s'agrandit.
On rejoint des communautés en ligne qui rassemblent des personnes comme nous. Celles-ci jouent le même rôle que les alumnis des grandes écoles. Différence notable, ce n’est plus le lieu où nous avons passé nos 3 dernières années d’études qui nous rassemble, mais l’écosystème dans lequel nous évoluons et les ambitions que nous nourrissons.
C’est beaucoup plus puissant.
Indie Hackers est certainement l’une des communautés les plus représentative de l’Ère des projets. Elle rassemble les makers et entrepreneurs qui ont choisi la voie du bootstrapping : créer des business rentables dès le premier jour, en restant libre et indépendant.
La philosophie de ce mouvement s’oppose au modèle des startups financées par de l’investissement en Venture Capital, qui cherchent la croissance à tout prix et dont les fondateurs perdent le contrôle de leur projet.
Notre économie et notre marché du travail sont en pleine mutation. Notre système éducatif se désintègre lentement. Tout semble davantage possible, ouvert et incertain que jamais.
L’ère des projets que je décris est une réponse à ces phénomènes. Ceux qui ont compris comment tirer profit des nouvelles règles du jeu sont récompensés de manière disproportionnés. Les projets qu’ils développent leur permettent de sortir de lot. Ils apprennent en continu, étendent leur réseau et attirent des opportunités.
Chaque jour, ils creusent un peu plus l’écart.
D’ailleurs, c’est tout sauf un hasard ou un coup de chance si Yoann a rejoint l’équipe comet. Charles, le CEO de comet, était tombé par hasard sur un des petits projets qu’il développait à l’époque. Il lui a alors proposé de rejoindre l’équipe en Freelance pendant quelques mois. Aujourd’hui, il est Directeur Marketing.
Ouvrir les portes de la passion economy
En développant des projets, nous devenons ce que Seth Godin appelle un Linchpin : quelqu’un d'indispensable.
Nous ne sommes plus qu’une simple commodité interchangeable. Nous ne sommes plus une main d’oeuvre à faible valeur et dépendante des conditions économiques.
Nous accumulons des expériences rares et précieuses, beaucoup plus vite que n’importe qui. Nous développons des compétences nouvelles. Nous prenons des initiatives quand personne ne nous le demande.
Nous devenons un profil recherché. Cette situation nous permet d’attirer à nous d’innombrables opportunités et de sélectionner celles qui nous intéressent le plus
Développer des projets n’est pas seulement efficace pour les salariés en quête d’un profil plus attrayant ou d’une transition vers le freelancing. C’est utile pour tout le monde, peu importe sa situation.
Il est possible de créer ses propres règles du jeu. De passer d’un emploi salarié à des missions en Freelance. Puis de retourner à un emploi salarié avant de créer son entreprise. On saute de liane en liane, à la recherche de la situation qui va nous permettre de grandir et développer notre singularité.
Quand il était étudiant, le projet d’Alexis Minchella était d’écrire régulièrement. Quand il est devenu salarié, il a commencé à faire des missions en Freelance à côté. Maintenant qu’il est freelance à temps plein, il passe du temps à développer son podcast. Et je sais qu’il mûrit encore d’autres projets en parallèle, dont l'écriture d'un livre (pour lequel un éditeur est venu le solliciter directement).
Qui sait où il sera dans 2 ans ?
Ce qui est certain, c’est qu’il va attirer à lui de plus en plus d’opportunités. Il continuera à créer des choses, à construire des assets durables et à enrichir sa palette de compétences. Alexis se place dans une situation où il n’aura plus jamais besoin de postuler à quoi que ce soit - on va venir le chercher pour travailler avec lui.
“J’ai l’impression que pour chaque nouveau projet que je fais, j’apprends de nouvelles choses et je monte d’un niveau. C’est exactement ce qui se passe sur le podcast. Les retours que je reçois me poussent à revoir mes ambitions et mes attentes à la hausse constamment. Cela te donne confiance en toi. Tu as envie de devenir meilleur.” - Alexis Minchella
L’ère des projets n’est pas liée à une situation (salarié, freelance, étudiant, etc), mais à un état d’esprit. Il s’agit de comprendre que la combinaison de nos compétences, de nos expériences et de notre personnalité nous rend unique.
Notre singularité est une fonctionnalité à développer et non un bug à réparer.
Cela nous ouvre les portes d’un monde nouveau : la passion economy.
En dehors de la passion economy, le principal moyen pour gagner de l’argent est de vendre son temps (et ses compétences). Que le cadre soit celui d’un emploi salarié ou d’une mission en freelance, on doit travailler pendant un certain nombre d’heures. Même s’il peut développer des compétences pour améliorer sa productivité et effectuer les tâches demandées plus rapidement, le travailleur possède peu de levier. Il reste dépendant du volume horaire qu’il réalise.
Avec la passion economy, nous assistons à l’émergence d’un nouveau modèle : les individus se monétisent eux-mêmes, et leur passion.
Cela a commencé avec l’apparition des plateformes comme Patreon ou Tipeee. Celles-ci offrent la possibilité à n’importe quel créateur de recevoir des dons pour son projet.
Cela transforme la nature de la relation entre le créateur et sa source de revenus. Il n’y a plus de corrélation directe entre le nombre d’heures qu’il travaille et sa rémunération. Il ne vend plus ses compétences dans le cadre d’un contrat.
Désormais, il dit : “Vous aimez ce que je produis ? Donnez-moi de l’argent pour que je continue à le faire.”
Le prestige des diplômes qu’il possède n’a aucune importance.
L’enjeu pour le créateur devient alors de développer un univers singulier. De parler d’un sujet d’une manière différente / profonde / décalée. D’établir une connexion directe avec sa communauté et de faire en sorte qu’elle grossisse régulièrement. Et ce, peu importe la thématique qu’il traite : les jeux-vidéos, la littérature slovène ou la flamengo.
Le créateur possède la capacité de créer des effets de levier colossaux. Chacune de ses nouvelles créations a le pouvoir d’attirer de nouvelles personnes dans sa communauté, de fédérer ceux qui le suivent déjà et de créer un effet boule de neige. Il n’a pas d’effort individuel de vente à fournir.
Patreon et Tipeee étaient les premières plateformes du genre. De nouvelles apparaissent et offrent des possibilités de rémunération plus variées et intéressantes.
Twitch permet aux créateurs (des gamers qui se filment en train de jouer) de rendre leur contenu visionnable en échange d’un abonnement de quelques dollars par mois.
Selon Jeremy Wang, un streamer présent sur Twitch peut gagner environ $20 000 par mois, avec 800 000 followers et 10 000 spectateurs réguliers. Sans compter les éventuels contrats de sponsoring proposés par les marques.
Substack permet aux auteurs / blogueurs de créer une newsletter et de la rendre accessible contre un abonnement mensuel de quelques dollars.
Luke O’Neil, un journaliste qui travaillait en tant que freelance pour le Boston Globe a mis fin à son contrat pour se concentrer uniquement à sa newsletter hébergée par Substack, Welcome to Hell World. Le Boston Globe lui rapportait environ $400 par dollar par semaine. En 2018, sa première année sur Substack, sa newsletter lui a rapporté $50 000. Le calcul est rapide.
Les revenus de certaines publications peuvent aller bien plus haut. Exponential View, une newsletter qui décrypte la tech, génère un revenu annuel à six chiffres.
Et l’intérêt n’est pas seulement financier. Luke O’Neil explique que ce modèle lui permet de jouir d’une plus grande liberté de ton. Cela le force également à être beaucoup plus méticuleux et rigoureux dans son traitement des sujets ; son revenu étant directement lié à la qualité de ce qu’il écrit.
L’abonnement payant contre un accès exclusif à du contenu n’a rien de nouveau ou d’innovant. Certains médias utilisent ce business model depuis longtemps, bien avant l’existence d’Internet.
Mais désormais, il n’y a plus besoin d’une équipe technique de 50 personnes pour le rendre possible.
Ces plateformes (je pourrais en citer d’autres comme Ghost) n’offrent pas simplement un moyen pour héberger et diffuser son travail en ligne. Elles permettent surtout la monétisation de celui-ci. N’importe qui peut récolter des paiements récurrents, depuis son canapé, sans devoir créer une infrastructure complexe.
“Les nouvelles plateformes numériques permettent aux créateurs de gagner leur vie d'une manière qui met en valeur leur individualité. Ces plateformes offrent davantage de possibilité pour fédérer leur communauté, un soutien accru dans la croissance de leurs projets et de meilleurs outils pour se différencier de la concurrence."- Li Jin
L’ère des projets est une fusée à deux niveaux.
Le premier consiste à créer des projets pour développer des compétences, apprendre de nouvelles choses et attirer à soi des opportunités professionnelles.
Le deuxième est celui de la passion economy. Notre projet rencontre un niveau de succès suffisant pour nous sortir de la relation entre notre temps de travail et notre rémunération. On monétise directement notre singularité et nos passions.
On invente soi-même les règles du jeu.
Devenir Antifragile
Derrière cette envie de développer des projets, et les nombreux bénéfices associés que j’ai listés, se trouve également une velléité philosophique. Celle de devenir antifragile.
Dans Antifragile : les bienfaits du désordre, Nassim Taleb explique qu’il existe des choses qui se développent lorsqu’elles sont placées dans des environnements instables et imprévisibles, qu’il appelle antifragiles.
Par exemple, une espèce animale est antifragile.
Imaginons qu’un événement inattendu se produise (un virus, par exemple) et décime une partie de la population de cette espèce. Les individus les plus faibles vont mourir, tandis que seuls les plus forts survivront et transmettront leurs gènes en se reproduisant.
Conséquence : la résistance à l’adaptabilité de cette espèce en sera renforcée. À condition, bien sûr, que l’événement inattendu ne fasse pas disparaître l’espèce entière.
Dans un monde incertain et mouvant, l'antifragilité est une éthique de vie essentielle.
Ceux qui développent des projets n’ont pas peur d’échouer. Ils savent qu’ils vont en tirer des leçons. Qu’ils vont étoffer leur palette d’expériences. Que chaque revers enrichi leur personnalité.
Avec le temps, ils développent les compétences fondamentales pour leur permettre de donner vie à n’importe quel projet. De partir de 0 en toutes circonstances. Peu importe les compétences valorisées et nécessaires, ils savent comment les apprendre.
Basile Samel est un maker nomade aux multiples projets. Développeur web de base, il développe 200wordsaday, une plateforme qui aide blogueurs et auteurs à former des habitudes d’écriture. Il écrit également chaque jour et a publié un livre.
“Mes projets m’ont enseigné des savoir-faires et des savoir-êtres. J’ai découvert comment je fonctionne en tant qu’individu, j’ai rencontré des personnes inspirantes et j’ai appris comment vendre mes compétences.
Ma ligne de conduite est Disciplinatus Flexibilitate : adopter une certaine discipline, tout en m’adaptant au monde qui m’entoure et à ce que l’on attend de moi. C’est un principe assez proche de l’antifragilité de Nassim Taleb et de la théorie de l’évolution de Darwin.”
Il mentionne également un passage de la Théorie de l’évolution : ”ce n'est pas l’espèce la plus intelligente qui survit ; ce n'est pas non plus la plus forte ; l'espèce qui survit est celle qui est capable de s'adapter et de s'ajuster le mieux à l'environnement changeant dans lequel elle se trouve”.
Il ajoute : “L’adaptabilité est un prérequis au succès de n’importe quel projet. Savoir se réinventer est obligatoire.”
Faites des projets. Et entourez-vous de personnes qui partagent ce même état d’esprit.
Vous apprendrez des choses. Vous construirez des assets durables. Qui sait où ils vous mèneront ?
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Commencez par écrire et diffusez vos idées. C’est la porte d’entrée la plus accessible et la plus puissante.
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